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Câbles sous-marins : tout savoir sur le système nerveux de

Un concert a lieu à New-York. Vous le regardez en direct depuis votre domicile de l’autre côté de l’Atlantique. Cela est possible grâce à un réseau de câbles sous-marins qui serpentent au fond des océans et transmettent images et sons à la vitesse de la lumière via des faisceaux de fibres de verre aussi fins que des cheveux, mais longs de milliers de kilomètres.

Ces câbles, aussi épais qu’un tuyau d’arrosage, sont des merveilles de haute technologie. Le plus rapide, le câble transatlantique Amitié, récemment achevé et financé par Meta, Microsoft et d’autres géants du secteur de la Tech, peut acheminer 400 térabits de données par seconde.

Pourtant, ces câbles sous-marins sont aussi étonnement rudimentaires : ils sont enduits de goudron et déroulés par des navires selon le même procédé que celui utilisé dans les années 1850 pour poser le premier câble télégraphique transatlantique. SubCom, fabricant de câbles sous-marins basé dans le New Jersey (Etats-Unis), était à l’origine un fabricant de cordages dont l’usine était située à proximité d’un port en eau profonde pour faciliter le chargement sur les navires.

552 câbles sous-marins existants ou en projet

Bien que les liaisons par satellite gagnent en importance grâce à des constellations comme Starlink de SpaceX, les câbles sous-marins sont vitaux aux commerce et communications mondiales, acheminant plus de 99 % du trafic entre les continents. TeleGeography, un cabinet d’analyses qui suit l’évolution de ce secteur, a recensé 552 câbles sous-marins existants ou en projet, et d’autres sont en cours de déploiement à mesure que l’Internet se répand dans toutes les régions du globe et tous les pans de nos vies.

On sait que les géants de la Tech comme Meta, Microsoft, Amazon et Google gèrent des centaines de centres de données remplis de millions de serveurs. On les surnomme les « hyperscalers ». Ce que l’on sait moins, c’est qu’ils gèrent également de plus en plus le système nerveux de l’Internet que sont les câbles sous-marins. « L’ensemble du réseau de câbles sous-marins est l’élément vital de l’économie », explique Alan Mauldin, analyste chez TeleGeography. « C’est grâce à lui que nous envoyons des courriels, des appels téléphoniques, des vidéos YouTube et des transactions financières. »

Selon ce cabinet d’analyse, les deux tiers du trafic Internet proviennent des hyperscalers. D’après David Coughlan, directeur général de SubCom, la demande de données des câbles sous-marins de ces acteurs incontournables augmente de 45 % à 60 % par an. La demande de données des hyperscalers n’est pas seulement motivée par leurs propres besoins en contenu, comme les photos Instagram et les vidéos YouTube visionnées dans le monde entier. Ces entreprises gèrent aussi souvent des services de cloud computing, comme Amazon Web Services et Microsoft Azure, qui sont à la base des opérations mondiales de millions d’entreprises. « La demande mondiale de contenu ne cessant d’augmenter, il faut disposer de l’infrastructure nécessaire pour pouvoir y répondre », explique Brian Quigley, qui supervise les réseaux sous-marins et terrestres de Google.

Les premiers câbles sous-marins ont relié les principaux axes de communication, tels que Londres et New York. Ces axes restent essentiels, mais de nouvelles routes apportent de la bande passante : la côte ouest du Groenland, l’île volcanique de Sainte-Hélène à l’ouest de l’Afrique, la pointe sud du Chili, les nations insulaires du Pacifique ou encore la ville de Sitka, en Alaska, qui compte 8 000 habitants.

Tout cela fait partie d’une transformation progressive des communications sous-marines. Alors que les câbles étaient autrefois l’exception, reliant quelques centres urbains prioritaires, ils deviennent aujourd’hui un maillage à l’échelle mondiale.

Mais l’augmentation du trafic internet via les câbles sous-marins suscite également des inquiétudes. L’année dernière, le sabotage à l’explosif des gazoducs Nordstream 1 et 2 reliant la Russie à l’Europe a été beaucoup plus difficile sur le plan logistique que de sectionner un câble internet de l’épaisseur d’un pouce. Des soutiens de Vladimir Poutine ont laissé entendre que les câbles sous-marins pouvaient être attaqués. Par exemple, Taïwan possède 27 câbles sous-marins que les militaires chinois pourraient considérer comme des cibles en cas d’invasion de l’île.

Les risques de perturbations sont bien réels. Ainsi, les performances de l’internet au Vietnam ont souffert des pannes sur cinq câbles pendant des mois au début de l’année. Sur l’île de Tonga, une éruption volcanique l’a privé de la plupart des communications pendant des semaines.

Mais ces risques sont éclipsés par les avantages très réels, qu’ils soient macroéconomiques ou purement personnels. Le réseau devient plus fiable et plus performant grâce à des débits plus rapides et à la multiplication des nouveaux câbles, ce qui incitera de plus en plus de pays à s’y joindre.

Pourquoi les câbles sous-marins se multiplient-ils ?

Les avantages économiques sont considérables. Selon McKinsey, les liaisons par câbles sous-marins se traduisent par des vitesses d’accès à l’Internet plus élevées, des prix plus bas, une augmentation de 3 à 4 % de l’emploi et une hausse de 5 à 7 % de l’activité économique.

Un câble SubCom en cours d’installation, entre le navire câblier au loin et un site d’atterrissage sur la plage. Les flotteurs oranges seront retirés et le câble enterré afin qu’il ne soit plus visible.

Au moment où la demande de trafic des hyperscalers a explosé, les entreprises de télécommunications qui installaient traditionnellement les câbles sous-marins se sont retirées du marché.

« Il y a environ 10 ans, un grand nombre de fournisseurs de télécommunications traditionnels ont commencé à se concentrer sur le sans-fil et sur ce qui se passait dans leurs réseaux du dernier kilomètre », explique Frank Rey, qui dirige la connectivité des réseaux à grande échelle pour le service cloud Azure de Microsoft. Les délais d’attente pour le déploiement de nouveaux câbles se sont allongés, la phase de planification s’étendant à elle seule sur trois à cinq ans. Les hyperscalers ont alors décidé de prendre les choses en main.

Ils ont d’abord commencé par investir dans des projets tiers, une démarche logique étant donné que les câbles sous-marins sont souvent exploités par des consortiums regroupant de nombreux partenaires. Mais les hyperscalers construisent désormais leurs propres câbles.

TeleGeography prévoit que 10 milliards de dollars seront investis pour de nouveaux câbles sous-marins entre 2023 et 2025 dans le monde. Google a déjà déployé plusieurs câbles nommés Curie, Dunant, Equiano, Firmina et Grace Hopper. Deux câbles transpacifiques sont également en cours de construction : Topaz cette année et, avec AT&T et d’autres partenaires, TPU en 2025.

L’installation d’un câble transatlantique coûte entre 250 et 300 millions de dollars, selon TeleGeography. Mais ces infrastructures sont essentielles. Si une région de Microsoft Azure tombe en panne, les centres de données d’une autre région sont sollicités pour garantir que les données et les services des clients continuent de fonctionner. Aux États-Unis et en Europe, les câbles terrestres supportent la majeure partie de la charge, mais en Asie du Sud-Est, ce sont les câbles sous-marins qui dominent, explique Frank Rey.

Les débuts des communications sous-marines

Les câbles d’aujourd’hui envoient jusqu’à 250 térabits par seconde de données, mais leur technologie remonte aux années 1800, lorsque des scientifiques et des ingénieurs comme Werner Siemens ont découvert comment poser des câbles télégraphiques au fond des rivières, de la Manche et de la mer Méditerranée. Beaucoup des premières tentatives ont échoué, en partie parce que le câble posé au fond de l’océan se déchirait en deux sous l’effet de la pression. Le premier câble transatlantique déployé avec succès en 1858 n’a fonctionné que trois mois et ne pouvait envoyer qu’un peu plus d’un mot par minute.

Mais les investisseurs, conscients de l’enjeu d’avenir que représentaient les communications rapides, ont soutenu le développement d’une meilleure technologie. L’emploi d’un cuivre d’une plus grande pureté a amélioré la transmission du signal, une gaine renforcée a réduit les ruptures de câble, des répéteurs installés le long du câble ont amélioré la force du signal et l’isolation en polyéthylène a remplacé le matériau caoutchouteux antérieur récolté sur des arbres.

Conséquences de ces évolutions, les liaisons sous-marines ont gagné en performance et en fiabilité et les appels téléphoniques ont finalement supplanté les messages télégraphiques. Un câble transatlantique installé en 1973 pouvait gérer 1 800 conversations simultanées. En 1988, AT&T a installé le premier câble transatlantique utilisant des brins de fibre optique au lieu de fils de cuivre. Cette innovation a porté la capacité à 40 000 appels téléphoniques simultanés.

Un câble Internet sous-marin du fabricant SubCom montre, du centre vers l’extérieur, ses fibres optiques pour le transfert de données, le câblage en acier pour la résistance, le cuivre pour la distribution d’énergie et le plastique pour l’isolation et la protection électriques.

Comment fonctionnent les câbles sous-marins ?

Les lignes à fibres optiques transmettent des données sous forme d’impulsions de lumière laser. Comme pour les lignes de fibre optique terrestres, l’utilisation de plusieurs fréquences de lumière signifie que plus de données peuvent être envoyées à la fois. A terre, l’équipement réseau à chaque extrémité d’un câble encode les données sous forme lumineuse pour la transmission et les décode après leur réception.

La fibre optique est idéale pour la transmission de données haut débit et longue distance, mais la technologie a ses limites. C’est pourquoi il est nécessaire d’augmenter la force du signal à l’aide de répéteurs disposés tous les 50 à 100 km.

Les répéteurs doivent être alimentés, et c’est là qu’une autre partie de la construction du câble entre en jeu. À l’extérieur des brins de fibre optique, une couche de cuivre transporte l’électricité jusqu’à 18 000 volts. C’est suffisant pour alimenter des répéteurs tout au long de l’océan Pacifique à partir d’une seule extrémité du câble, bien que l’alimentation soit généralement disponible aux deux extrémités pour une plus grande fiabilité.

Mais pourquoi ne pas augmenter la puissance du laser pour ne pas avoir besoin de répéteurs ? Parce que la pousser trop haut finirait par faire fondre les fibres, explique Brian Lavallée, directeur du géant des technologies réseau Ciena.

Cette entreprise fabrique l’équipement réseau à chaque extrémité des câbles sous-marins, en utilisant différentes méthodes de codage des données qui manipulent la fréquence, la phase et l’amplitude des ondes lumineuses afin de compresser autant de données que possible sur chaque fibre.

« Nous avons pu nous approcher très, très près de la limite de Shannon, qui est la quantité maximale d’informations que vous pouvez envoyer sur un support de communication », affirme Brian Lavallée.

Comment les câbles sous-marins sont-ils installés ?

Les entreprises qui installent un câble commencent par choisir un itinéraire en prenant soin d’éviter les réserves naturelles, les fonds marins accidentés et d’autres câbles. Lorsque plusieurs pays, entreprises de télécommunications et sociétés sont impliqués, trouver un itinéraire acceptable et obtenir des permis peut être très complexe.

Les câbles eux-mêmes sont progressivement déroulés à partir de navires spécialisés. Les brins de fibre optique sont fins, mais les câbles sous-marins sont épais, lourds et volumineux. Ils sont stockés dans des cylindres métalliques qui enroulent et déroulent les câbles lorsqu’ils sont déplacés d’une rive à l’autre ou d’un navire à l’autre. Les trois cales d’un navire spécialisé peuvent contenir 5 000 tonnes de câbles, ce qui équivaut à environ 2 900 km de câbles légers et 960 km de câbles blindés pour les eaux très fréquentées.

Navire câblier de SubCom. À l’intérieur se trouvent trois grands « réservoirs » pouvant contenir des bobines de câble de 5 000 tonnes.

SubCom doit déterminer l’ordre d’installation de chaque segment de câble et s’assurer qu’au début de l’installation, la bonne extrémité se trouve en haut de la bobine. Cela signifie qu’avant d’être chargé sur le navire, le câble doit être stocké à l’entrepôt de SubCom, « retourné » dans l’autre sens. Il s’inverse pour retrouver la bonne configuration lorsqu’il est transféré boucle par boucle sur le navire, explique l’entreprise.

A cette complexité technique s’ajoutent la météo, les autorisations et d’autres problématiques qui peuvent bouleverser le plan d’installation. Cela peut nécessiter de retourner un câble en mer avec deux navires côte à côte.

Près du rivage, les câbles sont enveloppés de gaines d’acier et enfouis dans le fond marin à l’aide d’une charrue spéciale remorquée derrière le navire. La charrue remonte chaque fois que le nouveau câble en croise un autre déjà installé. Dans les eaux plus profondes, où les équipements de pêche et les ancres ne posent pas de problème, le câble est moins bien protégé et simplement déposé sur le fond de la mer.

Les réparations des câbles sous-marins

Les câbles sous-marins ont beau être très résistants, tous les trois jours environ, l’un d’entre eux est coupé, selon TeleGeography. Les principales causes, qui représentent environ 85 % des coupures, sont les équipements de pêche et les ancres. La plupart des autres coupures sont dues aux tremblements de terre et coulées de boue. Les Tonga, dont l’unique connexion par câble sous-marin a été interrompue par une éruption volcanique, en sont un autre exemple.

Le changement climatique provoqué par l’homme, qui engendre des tempêtes plus extrêmes, inquiète Franck Rey. « Ce qui m’empêche de dormir la nuit, ce sont les événements climatiques à grande échelle », confie-t-il. En 2012, l’ouragan Sandy a coupé 11 des 12 câbles à haut débit qui relient les États-Unis et l’Europe.

La plupart des coupures se produisent près des côtes, là où le trafic maritime est plus important et où l’eau est moins profonde. Dans ces zones, les câbles sont recouverts d’un blindage métallique et enfouis dans le fond marin. Mais même dans ce cas, les coupures de câbles sont une question de temps, et non de probabilité. À peu près en permanence, une dizaine de câbles sont sectionnés à travers le monde, indique Brian Quigley. La pire saison pour les coupures se situe entre octobre et décembre, en raison d’une combinaison de conditions météorologiques plus rudes et d’activités de pêche.

Les câblo-opérateurs peuvent localiser avec précision les endroits où les câbles sont endommagés, mais les navires de réparation doivent souvent attendre les autorisations gouvernementales. Les réparations durent en moyenne deux semaines, mais elles peuvent fréquemment se prolonger, d’après Takahiro Sumimoto, chef de la division des câbles marins du géant japonais des télécoms NTT. Après le tremblement de terre de Fukushima en 2011, il a fallu deux mois.

La réparation nécessite qu’un navire pêche une extrémité du câble cassé, souvent à l’aide d’un grappin utilisé depuis des siècles. Une bouée permet de faire flotter cette extrémité pendant que l’autre est récupérée. Les fibres optiques sont ensuite reconnectées et protégées.

Les câbles sous-marins sont des équipements de haute technologie, mais leur réparation utilise des dispositifs tels que ce grappin inventé il y a des centaines d’années. Il sert à récupérer les extrémités des câbles coupés reposant sur le fond de l’océan.

Rendre les câbles sous-marins plus rapides

L’installation des câbles étant très coûteuse, il y a de fortes chances que l’on veuille y faire passer davantage de données. On pourrait augmenter la quantité de fibre optique, mais cette approche est limitée par le besoin d’alimentation électrique des répéteurs.

Les câbles actuels utilisent 16 paires de fibres, mais un nouveau câble que NTT est en train de construire entre les États-Unis et le Japon utilise 20 paires de fibres pour atteindre 350 Go/s. Un autre géant japonais de la technologie, NEC, utilise 24 paires de fibres pour atteindre des vitesses de 500 To/s sur son câble transatlantique.

« Surtout après la pandémie, nous avons observé une pénurie de capacité partout. Il est urgent de construire de nouveaux câbles », assure Takahiro Sumimoto. « La situation est un peu folle. Si nous construisons un câble, la capacité est immédiatement vendue ».

Parallèlement à l’installation de nouveaux câbles, il est parfois possible de moderniser les câbles existants en les dotant d’un nouvel équipement réseau. Selon Brian Lavallée, une récente mise à niveau effectuée par Ciena a permis de quadrupler la capacité des lignes à fibre optique sans rien changer sous l’eau.

Microsoft mise également sur une amélioration des fibres optiques elles-mêmes. En décembre, il a acquis une société appelée Lumenisity qui développe des fibres creuses avec un minuscule canal d’air central. La vitesse de la lumière dans l’air est 47 % plus rapide que dans le verre, ce qui réduit la latence, qui est une limite essentielle à la performance des réseaux.

Les câbles transpacifiques ont un temps de latence d’environ 80 millisecondes. La réduction du temps de latence est importante pour les interactions informatiques sensibles au temps, comme les transactions financières. Microsoft s’intéresse également aux fibres optiques creuses pour les lignes à courte distance, car la réduction de la latence permet de rapprocher les centres de données et d’assurer un basculement plus rapide en cas de défaillance de l’un d’entre eux.

Des fibres avec plusieurs cœurs de transmission de données au lieu d’un seul sont également à venir.

Une partie du câble TPU de Google utilisera des fibres à deux cœurs. L’entreprise de fibre optique OFS a annoncé cette année l’utilisation de fibres optiques à quatre cœurs et prévoit une capacité de câble sous-marin de 5 Po/s. Cela représente 20 fois plus de données que les nouveaux câbles actuels.

Les enjeux géopolitiques des câbles sous-marins

Il n’y a qu’un seul Internet, mais des tensions peuvent apparaître lorsqu’il relie des pays en désaccord, par exemple lorsque le gouvernement chinois bloque Google et Facebook ou que des entreprises américaines coupent leurs connexions à l’internet russe. Ces tensions techno-politiques se retrouvent dans le monde des câbles sous-marins.

Les États-Unis ont bloqué trois câbles qui auraient relié directement la Chine et les États-Unis, les faisant dévier vers d’autres pays asiatiques. Selon un article du Financial Times, les États-Unis se sont efforcés de mettre sur la touche HMN Tech, une société chinoise d’installation et de maintenance de câbles sous-marins issue de Huawei.

Mais avec de nombreux autres pays d’Asie du Sud-Est, il existe beaucoup de connexions indirectes, et d’autres sont à venir. « Il y a 17 nouveaux câbles intra-asiatiques qui sont actuellement en cours de réalisation, et beaucoup d’autres qui n’ont pas encore été annoncés », a indiqué Tim Stronge, analyste de TeleGeography. En ce qui concerne les règles d’acheminement de l’Internet qui régissent le flux de trafic dans le monde, les frontières sont effectivement ouvertes. En d’autres termes, l’Internet lui-même ne se soucie guère de la destination exacte des câbles.

Cette nouvelle géopolitique a compliqué les affaires de SubCom, qui dessert l’armée américaine ainsi que des entreprises privées comme Google. « De nombreux gouvernements exercent leur pouvoir comme ils le faisaient par le passé », explique Brian Coughlan. Et il ne s’agit pas seulement du problème Chine-États-Unis. Plusieurs pays, dont le Canada et l’Indonésie, appliquent des lois sur le cabotage qui exigent que les travaux effectués dans leurs eaux territoriales soient réalisés par un navire souverain de leur nation.

« Cela entraîne de nombreuses complications concernant la durée des permis et la manière d’effectuer le travail », poursuit Brian Coughlan. « À cause de ces lois sur le cabotage, les câbles sont plus difficiles à installer. Cela prend plus de temps. Certains de ces pays n’ont qu’un seul navire, et il faut attendre pour l’obtenir ».

Mais pour finir, les incitations économiques à la construction du câble l’emportent généralement. « Quels que soient les problèmes qui se posent – guerres commerciales, guerres réelles – au niveau local, ce sont les pays qui veulent ces câbles », ajoute-t-il. « C’est la seule raison pour laquelle ces câbles sont construits. »

Credit photo : Microsoft Les navires de pose de câbles contiennent des centaines de kilomètres de câbles enroulés à l’intérieur de trois « réservoirs ». Ce réservoir a une profondeur de 7 mètres (22 pieds). Cette photo montre un segment du câble Merea construit par Microsoft et Meta

Vulnérabilité des câbles sous-marins

Les vulnérabilités des câbles sont réelles. Les ancres et le matériel de pêche sont les principaux risques, en particulier dans les couloirs encombrés où se trouvent plusieurs câbles. Les câbles sont conçus pour résister à la corrosion de l’eau salée mais pas à l’attaque d’un être humain.

« Il ne faudrait pas grand-chose pour rompre ces câbles. Et un acteur malveillant pourrait le faire », explique Brian Coughlan. Un rapport publié en 2017 par un groupe de réflexion, rédigé par Rishi Sunak, devenu depuis Premier ministre du Royaume-Uni, estime que les câbles sous-marins sont « indispensables, mais peu sûrs ».

Dans un rapport de 2021, le Center for a New American Security (CNAS), un groupe de réflexion bipartisan sur la sécurité nationale, a conclu que les câbles sous-marins étaient vulnérables. Il a simulé des actions militaires chinoises et russes sous la forme de wargames. Dans ces simulations de conflits, les attaques chinoises ont déconnecté Taïwan, le Japon, Guam et Hawaï, mais les attaquants russes ont eu plus de mal grâce au grand nombre de câbles sous-marins présents dans l’Atlantique.

« Dans les wargames du CNAS, les équipes chinoises et russes ont lancé des attaques agressives sur les câbles sous-marins, en particulier à l’endroit où ils « atterrissent » sur la terre ferme. Dans presque tous les cas, ces attaques ont permis aux assaillants de perturber ou de dégrader les communications des États-Unis, des alliés et des partenaires, et ont contribué à la confusion et à la distraction au niveau stratégique, les gouvernements étant contraints de réagir à des pertes soudaines de connectivité », explique Chris Dougherty, senior fellow du CNAS.

Rishi Sunak recommandait la conclusion d’un traité pour protéger les câbles, l’organisation de wargames par l’OTAN pour mieux comprendre leur importance et l’installation de capteurs sur les câbles pour mieux détecter les menaces. La solution la plus simple consiste à déployer davantage de câbles pour assurer la diversité géographique et la redondance.

Le câble Marea de Microsoft et Meta est peut acheminer 200 térabits de données par seconde, mais il utilise également une technologie nautique séculaire : il est recouvert de goudron.

Construire un réseau de câbles sous-marins plus résistant

Compte tenu de l’importance et de la vulnérabilité des câbles sous-marins, il n’est pas surprenant qu’une course soit engagée pour rendre cette technologie plus robuste.

C’est la raison pour laquelle l’expansion vers de nouveaux sites d’arrivée pour les câbles est l’objet d’une forte pression. Lorsque l’ouragan Sandy a frappé, tous les câbles transatlantiques les plus puissants arrivaient à New York et dans le New Jersey. Aujourd’hui, d’autres partent du Massachusetts, de Virginie, de Caroline du Sud et de Floride.

Souvent, les opérateurs échangent de la capacité sur les câbles des uns et des autres, ce qui permet à chacun de disposer d’une voie de secours pour les données si son câble est endommagé.

En fin de compte, la diversité géographique prônée par Rishi Sunak est en train de devenir une réalité, grâce à une meilleure technologie de dérivation qui rend les câbles multipoint plus économiques. Ainsi, le nouveau câble Sea-Me-We 6 s’étend de la France à Singapour en passant par 17 autres pays. D’autres câbles sont en cours de construction pour relier l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Asie, les Amériques et de nombreuses nations insulaires. « Il y en a partout dans le monde », conclut Brian Levallée.




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