Internet

Google Topics : ce qu’il faut savoir sur la publicité sans

Google Topics : ce qu'il faut savoir sur la publicité sans cookies

Mise à jour le 01/08 – Initialement prévu pour 2022 puis 2023, Google à décaler son agenda, les cookies tiers seront définitivement supprimés sur Chrome mi 2024.

Les cookies, c’est bientôt fini. Oui les cookies, vous savez, cela fait bien 10 ans que l’on vous en parle : ces petits documents enregistrés par votre navigateur web chaque fois que vous visitez un site, et qui permettent aux annonceurs de vous suivre à la trace sur le Web. Jusqu’ici, ils demeurent essentiels à la bonne santé économique de nombreux acteurs dépendant de la pub, notamment les médias en ligne.

Mais cela fait une dizaine d’années que les défenseurs de la vie privée sur internet s’inquiètent de la collecte et de l’utilisation de ces fichiers (qui permettent d’en savoir beaucoup sur vous) par de nombreux acteurs tiers, qui revendent des informations parfois sans le consentement des utilisateurs, ainsi que de leur stockage plus ou moins long et opaque. Pour l’organisme américain de défense des libertés en ligne Electronic Frontier Foundation (EFF), cette technologie de « surveillance d’entreprise » rendrait difficile l’anonymat sur le Web et manquerait ainsi de transparence.

Pour toutes ces raisons, les cookies, que la CNIL appelle aussi « traceurs », sont sur la sellette. Mais s’ils devraient disparaître, cela ne signifie pas pour autant la fin de la publicité ciblée. Car Alphabet, la maison mère de Google, tire tout de même 80 à 88 % de ses revenus de la publicité. D’où son projet, « Privacy Sandbox », destiné à continuer de cibler les internautes, mais sans les suivre à la trace.

cookies ga5fd787f5 640

 

« Privacy Sandbox » : le projet de Google pour remplacer les cookies

De nombreux navigateurs (Safari, Firefox…) ont développé des fonctionnalités pour limiter / bloquer leur utilisation par défaut, et Google lui-même a fini par le faire. La firme a fixé pour 2023 l’arrêt du support des cookies tiers par Chrome, et planche depuis 5 ans sur le projet « Privacy Sandbox » ; autrement dit, sur une série de solutions techniques pour conserver les fonctionnalités publicitaires qui nécessitent aujourd’hui des cookies.

Le géant du Web développe donc, en toute transparence, un ensemble d’API « alternatifs » pour continuer de permettre aux acteurs de l’écosystème publicitaire de suivre votre navigation et votre comportement en ligne, mais tout en respectant votre vie privée. « Le programme Privacy Sandbox a pour but de développer une nouvelle technologie qui améliorera la vie privée des personnes sur le Web et les applications Android. Les solutions proposées limiteront le suivi des personnes et fourniront des alternatives plus sûres aux technologies existantes sur ces plateformes, tout en les gardant ouvertes et accessibles à tous », explique Google. C’est donc dans ce cadre que s’insère la fin des cookies tiers dans Chrome et leur remplacement par une autre technologie.

 

 

FLoC : une première alternative (avortée) aux cookies

La première technologie envisagée par Google pour succéder aux cookies tiers s’appelait FLoC (Federated Learning of Cohorts – Apprentissage Fédéré des Cohortes) : ce système, développé en 2021, consistait à identifier les internautes selon la « cohorte », c’est-à-dire un groupe de milliers de personnes partageant des intérêts similaires, dans laquelle ils aurait été placés par une IA. Ainsi, le suivi n’aurait plus été individuel, mais au niveau d’un groupe. Google se serait par ailleurs contenté d’indiquer aux annonceurs le numéro de cohorte « performant » le mieux dans une campagne, sans leur en dire plus.

Mais le fait que les internautes soient classés dans des groupes par une IA (en fonction de similitudes de comportement et de recherches sur le web), et sans que les utilisateurs et les annonceurs ne sachent vraiment pourquoi, a rapidement été critiqué par les associations de défende de la vie privée, ainsi que par les publicitaires eux-mêmes et certains navigateurs web, comme Firefox, Edge et Vivaldi. Cette technique était en effet considérée comme intrusive pour la vie privée, en permettant aux annonceurs d’identifier plus facilement les internautes grâce à l’empreinte de navigateur (fingerprint) ; un outil utilisé par les sites pour obtenir des informations spécifiques sur l’appareil, pouvant exposer des informations sur les données démographiques, et donc donner lieu à des publicités ciblées discriminatoires. En outre, un doute important planait au dessus de la possibilité pour FLoC d’être déployé en Europe, car son fonctionnement ne laissait pas de marges pour l’obtention du consentement préalable de l’internaute.

Trop opaque, trop critiqué, FLoC a finalement été abandonné par Google, qui a finalement développé une nouvelle technique de traçage publicitaire : « Topics ».

 floc2

 

Comment fonctionne Topics ? 

De FLoC, Alphabet a conservé le concept d’utilisation de l’apprentissage automatique pour classer les utilisateurs dans des groupes d’intérêt spécifiques en fonction de leur historique de navigation. Mais cette fois, une intervention humaine permet d’éviter des dérives potentielles, et son fonctionnement est largement plus transparent. La technologie développée par Google, baptisée « Topics » (« Thèmes ») propose comme FLoC de cibler les annonces sur les personnes en fonction des catégories de contenu qu’elles consultent en ligne, et de réaliser cette catégorisation sur l’ordinateur ou le téléphone de l’utilisateur, plutôt que d’envoyer les données sous-jacentes aux ordinateurs de Google ou d’une autre société. Mais à la différence de la première solution développée en 2021, Topics propose un niveau de catégorisation beaucoup plus général.

Concrètement, le navigateur web, tel que Chrome, utilisera l’API Topics pour déterminer chaque semaine les 5 sujets de recherche préférés de l’utilisateur, parmi 350 thèmes potentiels (par exemple, les jeux vidéos, les véhicules automobiles, les vêtements pour femmes, le football…). Ces « préférences », censées être « représentatives des principaux centres d’intérêt des utilisateurs pour une semaine donnée », seront conservées pendant 3 semaines seulement, puis supprimées.

L’internaute devrait par ailleurs avoir un accès plus simple aux informations collectées sur lui, puisque les données ne seront plus envoyées aux serveurs de Google, et que l’analyse des sites consultés par les algorithmes de Google se fera localement (sans transferts vers des serveurs externes). Il pourra aussi désactiver s’il le souhaite le suivi publicitaire par Topics, ou même enlever un « thème » précis de son profil, afin d’avoir un certain pouvoir sur la publicité ciblée qu’il reçoit.

À noter que parmi les 5 thèmes identifiés par le navigateur, figurera un thème aléatoire ; et que les sites visités par l’internaute et autres régies publicitaires ne pourront être informés que de 3 « thèmes » maximum, sélectionnés pour eux au hasard, parmi ceux listés durant les 3 semaines précédentes (et non en live) de navigation. Ainsi, les annonceurs ne disposeront-ils pas de l’historique de navigation de la personne, ni d’informations permettant de la « pister » réellement.

Enfin, dernier détail important : les thèmes que Topics devrait gérer ne seront pas trop sensibles. « Ils sont sélectionnés avec attention afin d’exclure les catégories potentiellement sensibles, telles que le genre ou l’appartenance ethnique », indique ainsi Alphabet. « Parce que Topics est alimenté par le navigateur, il vous offre un moyen plus reconnaissable de voir et de contrôler la façon dont vos données sont partagées, par rapport aux mécanismes de suivi comme les cookies tiers. De plus, en fournissant aux sites web vos sujets d’intérêt, les entreprises en ligne disposent d’une option qui n’implique pas de techniques de suivi secrètes, comme l’empreinte de navigateur, afin de continuer à diffuser des publicités pertinentes », ajoute l’entreprise.

 topicsd

Pourquoi les publicitaires semblent méfiants

Transparence, respect de la protection de la vie privée, contrôle des données par les utilisateurs : Topics, que Google prévoit de déployer d’ici fin 2022, semble cocher toutes les cases pour remplacer les cookies et permettre un ciblage publicitaire pas trop ciblé.

Toutefois, l’EFF reste méfiante, bien qu’elle n’ait pas encore creusé profondément le sujet : selon l’organisme américain, s’il « est considérablement meilleur que FLoC », la limite de cet outil pourrait être qu’il indique aux trackers tiers le type de sites que vous parcourez, « et que cela pourrait aider les sites Web et les annonceurs à vous identifier sur tous les appareils. »

Le directeur de Brave, navigateur concurrent de Chrome qui s’est spécialisé dans la gestion de la vie privée, soutient de son côté que que les améliorations apportées par Topics sont mineures en ce qui a trait au respect de la vie privée, et qu’un navigateur ne devrait tout simplement pas communiquer les intérêts des utilisateurs à des annonceurs. Une option qui semble évidemment peu réaliste : sur Twitter, le vice-président de Google responsable de Chrome, Hiroshi Lockheimer, rappelle ainsi que « certains préféreraient que les publicités ciblées n’existent pas, mais que de nombreuses sociétés (et pas seulement Google !) dépendent des publicitaires pour survivre afin que nous — les consommateurs — puissions profiter d’Internet ».

Mais ceux qui témoignent le plus de méfiance vis à vis de Topics sont les annonceurs et les médias en ligne ; bien que leurs craintes soient différentes. Ils redoutent ainsi que le ciblage proposé soit largement moins efficace, du fait de son manque de granularité : « En diminuant le suivi, cet outil pourrait être moins utile aux publicitaires, jusqu’à diminuer le prix des annonces », résume le magazine AdWeek.

Comme l’expliquent des experts du sujet dans le JDN, le fait que chaque site se voie attribuer des thématiques qui lui sont spécifiques pourrait « limiter l’exposition des campagnes personnalisées, dans la mesure où on ne pourra plus retrouver le même internaute sur différents sites avec la même aisance qu’aujourd’hui ». L’autre limite serait le fait que pour les équipes des éditeurs de sites, les trois « thèmes » qui leur seront transmis resteront figés dans l’API pendant 3 semaines, tandis que les internautes seraient susceptibles de changer de centres d’intérêt entre-temps.

« Avec uniquement 350 catégories de Topics, les équipes marketing risquent de déchanter si elles veulent cibler finement. Mais en même temps, la fonctionnalité de mise à jour régulière des Topics pour refléter les envies du moment de l’utilisateur et la suppression des plus anciens est intéressante : puisqu’il y aura moins de sujets, peut-être que ceux-ci seront plus pertinents. On voit peut-être ici se dessiner un marketing digital moins gourmand mais plus qualitatif en matière de données », nuance Guillaume Tollet, Executive director chez Fifty-Five, sur le Blog du Modérateur.

À noter que certains médias, notamment en Allemagne, s’opposent d’ores et déjà au fait que Topics soit, contrairement aux cookies qui était une technologie ouverte (pouvant être utilisée par n’importe qui), une technologie propriétaire, entre les seules mains de Google.

Connaître les internautes tout en respectant leur vie privée semble difficile sans concessions ; ici, accepter un ciblage moins précis et individualisé. Reste à savoir si, d’ici 2023, les défenseurs de la vie privée en ligne, les annonceurs, les médias, et les utilisateurs eux-mêmes accepteront d’en faire.




Source link

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page