Mobilité

Beyond Meat, pourquoi cet engouement pour les steaks vegan ?

Beyond Meat, pourquoi cet engouement pour les steaks vegan ?

Article mis à jour le 25 octobre 2021, avec de nouvelles infos sur Beyond Meat, des chiffres actualisés, et le changement de nom de l’épicerie vegan en ligne MyBeyond, désormais baptisée Vegetal Square.

Le business de la « fausse » viande reste très jeune, mais il attire déjà les investisseurs et déchaîne les passions. Lors de son introduction en Bourse en 2019, la startup Beyond Meat avait enflammé Wall Street, et réussi à lever 241 millions de dollars. Cette jeune pousse californienne pleine d’avenir fabrique… des steaks et des saucisses végétales. Toutefois, son modèle n’a pas tout de suite été rentable. Elle affichait ainsi 30 millions de dollars de perte en 2018, et fin 2019, elle s’était effondrée à Wall Street. Alors qu’elle venait de dégager son premier profit trimestriel, ses actions avaient chuté de 18 %, signe que les analystes financiers hésitaient encore à croire à la pérennité de ce qu’elle proposait. Car les « steaks végétaux » que fabrique Beyond Meat coûtent cher : fabriquer de la viande vegan nécessite de grandes capacités de production… et de recherches, qui faisaient encore défaut à la startup.

fausse viande 770 

Mais en dépit de ces freins, la fausse viande est un marché prometteur, et Beyond Meat a depuis repris du poil de la bête. Autour d’elle, gravitent depuis 2 ans déjà de nombreuses autres startups, ainsi qu’une clientèle de plus en plus nombreuse. Ses burgers vegan cartonnent aux USA depuis 3 ans, en supermarché (28 000 établissements environ), dans les hôtels et dans les chaînes de restaurants, comme Del Taco ou TGI Friday’s. En France, où la start-up a débarqué fin 2019, il est possible de se faire livrer ses « steaks végétaux » à domicile, via l’épicerie vegan en ligne Vegetal Square. Et depuis février 2020, il est aussi possible d’en acheter directement dans les rayons des hypermarchés Géant, des supermarchés Casino, ainsi que dans les magasins Monoprix et Franprix de la région parisienne.

Beyon Meat est en pleine expansion 

L’expansion commerciale de Beyond Meat est clairement en marche en Europe : l’entreprise a ouvert en juin 2021 une usine de fabrication de viande vegan aux Pays-Bas, afin de produire ses steacks “de bout en bout” sur le vieux continent ; elle a débarqué en Grande-Bretagne dans 450 supermarchés haut de gamme Waitrose et Sainsbury’s , et elle prévoit de déployer prochainement ses burgers « à grande échelle » en Espagne, en Belgique et en France, notamment dans les enseignes Casino et Carrefour. Au total, plus de 1 000 supermarchés seraient concernés par chez nous, ce qui étendrait considérablement la présence des steaks Beyon Meat.

Dans le détail, Beyond Meat voit son chiffre d’affaires augmenter d’année en année, en dépit d’une perte de 10 millions d’euros début 2021 face à « l’effet Covid ». Chaque année, la startup vend entre 350 et 360 millions de produits de par le monde, et reste soutenue par tout un panel de stars et de milliardaires de la Silicon Valley – des acteurs Leonardo DiCaprio et Jessica Chastain, à Bill Gates, en passant par les cofondateurs de Twitter, Biz Stone et Evan Williams, ou encore l’ancien patron de McDonald’s, Don Thompson.

Du veggie chez les MDD

Comment expliquer un tel succès (en dépit de chiffres encore décevants) ? D’abord parce que le marché des produits « végétaux » s’envole. En France, le consommateur moyen mange 84 kilo de viande par an. Mais il en achète de moins en moins : ainsi, en 10 ans, la consommation de viande a chuté de 12 % en France. Face à cette tendance, l’industrie alimentaire s’est déjà adaptée. Les produits « végétariens » ou « vegans » se sont multipliés ces dernières années. Rachetée par Danone, la société belge Alpro propose des « alternatives végétales » aux yaourts. Fleury Michon et Herta proposent chacun des steaks de soja. Carrefour propose en MDD (marque de distributeur) une gamme « veggie », avec, au menu, des galettes ou des nuggets de blé, des plats préparés végétariens, et là encore des steaks de soja. Quand on sait que le marché des produits végans et végétariens représentait en 2018 plus de 380 millions d’euros de chiffres d’affaire, avec une croissance de 24 % en 1 an, difficile de ne pas succomber à cette mode.

supermarche vegan 

Selon Chuck Muth, directeur du développement de Beyond Meat, “l’appétit de l’Europe pour la viande végétale, et les produits Beyond Meat en particulier, est en constante augmentation”. Selon lui, les clients de Beyond Meat “recherchent des options de protéines alternatives qui ont bon goût et grâce à la demande des consommateurs, nous avons pu nous développer rapidement pour créer des options de viande végétale qui sont meilleures pour la planète et plus accessibles à tous.” 

Des véganes aux flexitariens

Mais le marché des « veggies » demeure limité – un secteur de niche (3 à 5 % de la population). C’est pourquoi certaines entreprises, aux USA et en Europe, vont plus loin et essaient de toucher les adeptes d’une autre façon de consommer : les « flexitariens« . Ces derniers, de plus en plus nombreux, mangent de la viande, mais essaient de le faire avec parcimonie, dans un but environnemental ou sanitaire – notamment parce qu’ils ont été choqués par les différents scandales récents touchant à l’alimentation ou à la maltraitance animale, parce qu’ils veulent éviter de développer des maladies cardiaques liées à la malbouffe, ou parce qu’ils veulent participer à réduire l’émission de gaz à effets de serre. L’idée de Beyond Meat est ainsi de créer des « substituts » à la viande, destinés séduire à la fois les végans et les végétariens, mais aussi les flexitariens et les carnivores qui tendent légèrement vers le « flexitarisme ».

viande culture

Pour cela, l’entreprise imite à la perfection la viande, de son goût jusqu’à son apparence et sa texture. Grâce à un habile mélange de pois, de pommes de terre, d’huile de coco et de jus de betterave, elle parvient ainsi à recréer, en laboratoire (avec des physiciens et des chimistes), au niveau moléculaire, de la viande rouge bien « saignante » et juteuse, que l’on croirait vraiment d’origine animale – qui « cuit », et dont le goût se rapproche au maximum de son modèle. « Nous visons les consommateurs ordinaires qui s’intéressent à des formes de viande plus saines », indique Ethan Brown, fondateur de Beyond Meat. À noter que l’association de défense des animaux The Humane Society est actionnaire de Beyond Meat.

Cette fausse viande, à même de séduire un large spectre de consommateurs, d’autres start-up essaient de la fabriquer et de la vendre, avec tout autant de succès que Beyond Meat. Ainsi, Impossible Foods a signé en 2020 un partenariat avec Burger King, pour son sandwich phare, le Whopper, et propose également des steaks saignants plus vrais que nature… mais 100 % végétaux, à base de protéines de soja et de pommes de terre, d’huiles de coco et de tournesol. « L’Impossible Burger » n’est, pour l’instant, en vente qu’aux USA et au Canada, dans des milliers de supérettes, de restaurants et de fast foods franchisés telles que Starbucks et Burger King ; mais il est évidemment appelé à être commercialisé partout dans le monde. Nestlé tente de faire de même, avec son futur « Incredible Burger », à base de protéines de soja et d’extraits de carottes et de poivrons.

L’avenir de la nourriture, dans les labos ? 

D’autres entreprises essaient de fabriquer de la viande de synthèse à partir de cellules animales, comme Memphis Meats et Just aux USA, ou encore Mosa Meats aux Pays-Bas. De son côté, Jeff Bezos a déjà investi plus de 50 millions de dollars dans NotCo, une start-up chilienne spécialisée dans les alternatives aux protéines animales – de la mayonnaise au yaourt et au fromage. Le fondateur d’Amazon a aussi investi dans le même temps des dizaines de millions de dollars, aux côtés de Bill Gates, dans Motif Ingredients, une entreprise qui a pour but de créer toute une gamme d‘ingrédients nécessaires à la fabrication d’alternatives végétales à la viande, au lait et aux œufs.  Bref : sans plus entrer dans les détails, disons donc qu’il s’agit d’une véritable lame de fond en faveur des “aliments alternatifs” et de la foodtech végane / flexitarienne.

viande cellulaire2

Qu’est-ce qui motive donc les milliardaires de la Silicon Valley, qui investissent largement dans ces projets de production de « fausse viande » ? Le parti pris des géants de la tech est d’abord idéologique, et propre au “flexitarisme”, presque autant en vogue en Californie que l’est le transhumanisme. La “clean meat” (viande propre) serait moins destructrice pour l’environnement, selon ses fabricants. Bill Gates, qui a investi dans Beyond Meat, mais aussi dans Impossible Foods (aux côtés de Google et du cofondateur de Facebook, Dustin Moskovitz) et Memphis Meats, s’inscrit lui-même depuis longtemps dans ce mouvement – consistant donc à adopter une alimentation davantage respectueuse de l’environnement, tout en continuant de manger de la viande. Dès 2013, il écrivait un article sur son blog intitulé “L’avenir de l’alimentation”, dans lequel il décrivait son expérience, après avoir goûté de la viande de poulet végétale produite par Beyond Meat.

Selon lui, l’avenir de la nourriture passera par les végétaux et les laboratoires, pour des raisons environnementales, avant tout. “D’ici 2050, la population mondiale atteindra plus de 9 milliards d’individus et notre appétit pour la viande augmentera parallèlement. Mais élever des animaux pour la viande prend beaucoup de terre et d’eau et a un impact important sur l’environnement. En termes simples, il n’y a aucun moyen de produire assez de viande pour 9 milliards de personnes. Mais nous ne pouvons pas demander à tout le monde de devenir végétariens. Même si j’aime les légumes, je sais que je ne voudrais pas abandonner les hamburgers – l’un de mes aliments préférés. C’est pourquoi nous avons besoin de plus d’options pour produire de la viande sans épuiser nos ressources”, notait-il ainsi, il y a 8 ans. Et de vanter alors “ces produits innovants, au grand potentiel”, grâce auxquels nous devrions pouvoir, demain, créer des “repas nutritifs et riches en protéines, bénéfiques pour nous-mêmes et pour la planète”.

 

 

Sauver le monde, mais en gagnant de l’argent

Mais vous vous en doutez probablement, Bill Gates et consorts ne sont pas là pour faire seulement de la philantropie et sauver le monde. L’augmentation de 24 % des ventes de produits véganes ne les laisse clairement pas indifférents. Dans Telerama, l’auteur de “L’Art de la fausse générosité”, l’écrivain et journaliste Lionel Astruc, indique que “les ultra-riches comme Bill Gates considèrent que la philanthropie classique n’est pas efficace car trop axée sur la justice sociale. Ils pratiquent une forme de bienfaisance en appliquant les méthodes du capitalisme, qui ont fait leur réussite financière, à leur action de don : les lois du commerce, du marché, du libéralisme”. Vus sous cet angle, difficile de ne pas voir dans les investissements des géants de la tech comme un moyen, également, de récolter plus tard les fruits d’un marché (la “clean meat” et le flexitarisme) qui pourrait devenir à terme très lucratif (bien plus que le véganisme et le végétarisme). Même si pour l’instant, la viande synthétique coûte plutôt cher (30 euros la boîte de dix steaks Beyond Meat, par exemple), l’objectif des startups de la fausse viande est de baisser les prix, jusqu’à égaler, voire supplanter les producteurs et distributeurs de viande animale.

meat substitutes market4 

Selon MarketsandMarkets, le marché des hamburgers végétaux devrait peser 6,4 milliards de dollars d’ici 2023, à l’échelle mondiale (contre 5 milliards en 2021). On est encore loin du 1,5 billion de dollars du marché mondial de la viande animale, mais le potentiel est là : d’après les analystes de Barclays, spécialisés dans l’agroalimentaire et la restauration, la “viande alternative” pourrait ensuite exploser jusqu’à peser, dans les 10 ans à venir, près de 140 milliards de dollars.

 

Des clients préoccupés pour l’environnement 

Ces estimations tablent sur une croissance rapide, jusqu’à capter 10 % du marché de la viande “traditionnelle”. Car, comme l’écrit Quartz, “les études de marché suggèrent que les consommateurs de viande les plus dévoués ne se détourneront pas des hamburgers et des steaks au bœuf, mais qu’ils seraient au moins disposés à essayer un produit à base de plantes prétendant avoir un goût aussi bon”. Ainsi, comme l’analyse Business Insider, les 3 facteurs clés à l’origine du succès annoncé de la “clean meat”, et qui expliquent donc pourquoi ses start-ups attirent autant d’investisseurs, sont “le changement climatique et les préoccupations environnementales des gens, celles liées au bien-être des animaux, et celles liées à la santé humaine”.

Les éleveurs de bovins auraient-ils donc du souci à se faire ? Difficile à dire. En tout cas, pour Bill Gates, Dustin Moskovitz ou Evan Williams, la “viande propre” pourrait bien être un nouveau moyen de faire de l’argent. Surtout le jour où Beyond Meat aura réussi son pari : “transformer le marché de la viande en marché de la protéine”. Avec l’idée, donc, qu’il n’est pas nécessaire que la viande provienne d’un animal pour être nutritive.

À noter qu’en France, 39 % des gens se déclarent déjà flexitariens. Mais surtout, outre les consommateurs occidentaux, d’autres, très, très nombreux, sont de plus en plus enclins à consommer de la fausse viande et des aliments alternatifs. Selon une étude publiée dans la revue universitaire Frontiers in Sustainable Food Systems, les Chinois sont ainsi “tout à fait disposés” à remplacer les produits carnés traditionnels à base de viande d’origine animale, bien plus que les Américains. Près de 96% d’entre eux, précisément, sont prêts à acheter de le la viande végétale ou synthétique (contre 75 % aux USA).




Source link

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page