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A Tchernobyl, des chiens génétiquement différents

A Tchernobyl, des chiens génétiquement différents intéressent beaucoup les scientifiques


En 1986, le réacteur numéro quatre de la

centrale nucléaire
de Tchernobyl, en Ukraine, a explosé, libérant une grande quantité de
pollution radioactive dans l’atmosphère qui s’est propagée en Europe et
jusqu’en Amérique du Nord. Dans les heures qui ont suivi la fusion, les
habitants ont été contraints de quitter la zone mais les animaux
domestiques ont dû être abandonnés. Le gouvernement ukrainien a chargé des
militaires d’euthanasier ces animaux, parmi lesquels de nombreux chiens.


Mais certains ont échappé à la capture et ont trouvé refuge dans la zone
d’exclusion de Tchernobyl. A l’époque, le personnel chargé d’intervenir sur
la

centrale nucléaire

après la catastrophe a fini par nourrir et prendre en charge ces animaux
qui ont par la suite été livrés à eux-mêmes.


Aujourd’hui, le réacteur condamné de Tchernobyl est enfoui sous une
structure massive en béton appelée sarcophage, mais les effets de sa fusion
persistent. Les éléments radioactifs libérés dans les dix jours qui ont
suivi la catastrophe imprègnent encore le sol, l’eau ainsi que les animaux
qui vivent dans la zone d’exclusion, dont les chiens de Tchernobyl. Ces
derniers intéressent les chercheurs qui pensent que l’étude de leur ADN
pourrait les aider à mieux comprendre comment l’exposition chronique aux
rayonnements laisse des effets durables sur la physiologie et la santé.


302 chiens en liberté autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl


Dans une nouvelle étude publiée dans la revue

Science Advances
, des chercheurs ont entrepris de décoder la génétique de la population
canine autour de Tchernobyl, en caractérisant les gènes de 302 chiens en
liberté qui ont élu domicile dans la centrale et la région environnante.
C’est la première fois qu’un grand mammifère vivant dans la zone
d’exclusion est étudié de cette manière. «

Ils offrent une chance de voir comment l’environnement difficile, qui
comprend l’exposition à des niveaux de radiation élevés et faibles,
peut affecter l’ADN d’animaux qui ont vécu et se sont reproduits
pendant 15 générations dans cette région

», explique Elaine Ostrander, généticienne au National Human Genome
Research Institute of the National Institutes of Health et auteure de
l’étude.


En étudiant de minuscules changements dans l’ADN, connus sous le nom de
SNP, l’équipe a pu mesurer la similarité génétique de ces populations. En
comparant les chiens de Tchernobyl à des chiens de race pure provenant
d’autres régions d’Europe, l’équipe a révélé qu’un groupe de chiens vivant
à proximité de la centrale nucléaire constitue une famille génétiquement
distincte et fermée.


Ce groupe diffère génétiquement des chiens vivant à seulement 15 km de là,
dans la ville de Tchernobyl, qui semblent avoir migré davantage et s’être
croisés avec les chiens locaux. «

Cela ouvre la voie à de futures études visant à trouver des mutations
dans des gènes clés résultant de l’environnement radioactif

», ajoute Elaine Ostrander.


Il est important de noter que l’étude ne démontre pas que les radiations
dans la zone sinistrée ont, en soi, provoqué des changements ou des
mutations dans l’ADN des chiens. La consanguinité et l’isolement peuvent
provoquer le type de modifications que l’équipe a observées dans l’ADN.


Un séquençage ADN complet est nécessaire


« Pour savoir s’il y avait des mutations de novo

causées par les radiations, les chercheurs auraient dû procéder au
séquençage du génome entier des chiens et voir s’il y avait des
variantes uniques dans cette population

», explique Claire Wade, généticienne des animaux et biologiste à
l’université de Sydney, qui n’a pas été associée à l’étude.


Une mutation de novo est une mutation qui n’a pas été transmise
génétiquement. En examinant l’ensemble du génome, c’est-à-dire la totalité
de l’ADN d’un organisme, plutôt que les seuls SNP, les chercheurs peuvent
extraire davantage d’informations et découvrir des mutations dans des gènes
qui peuvent avoir des effets physiologiques. C’est exactement ce que
l’équipe qui étudie les chiens de Tchernobyl prévoit de faire.


Avec plus de 400 échantillons d’ADN collectés, les chercheurs peuvent
commencer à s’interroger sur la manière dont les variations de l’

ADN

dans ces populations pourraient aider les chiens à vivre dans un
environnement hautement radioactif. Il se peut, par exemple, que certains
gènes aient été activés ou désactivés et qu’ils confèrent un avantage de
survie aux chiens proches de la centrale. La comparaison des séquences
génomiques complètes permettra de découvrir ces relations.


À l’heure actuelle, une séquence complète d’ADN a été récupérée pour plus
de la moitié des 400 échantillons, précise Tim Mousseau, un biologiste de
l’université de Caroline du Sud qui a longtemps étudié les organismes
autour de Tchernobyl après la catastrophe et qui est l’un des auteurs de
l’article.


Des champignons irradiés pourraient aider les astronautes


Un mythe a persisté selon lequel la vie serait revenue et aurait prospéré à
Tchernobyl après la catastrophe, mais ce n’est pas nécessairement le cas.
Bien que les chiens soient le premier grand mammifère à être étudié à
Tchernobyl, des recherches antérieures ont exploré les effets des
radiations sur de nombreux organismes différents dans la région, des
insectes aux oiseaux.


Par exemple, un article
de 1997 a montré que les hirondelles exposées aux radiations autour de
Tchernobyl présentaient davantage de mutations de novo et étaient plus
susceptibles d’être partiellement albinos, et les études de Tim Mousseau
ont montré que l’abondance des espèces a chuté dans les zones contaminées.


D’autres études laissent entrevoir le genre de révélations qui pourraient
découler de l’étude des organismes dans la zone d’exclusion. En 2020, les
scientifiques ont découvert une

espèce de champignons
présentant des niveaux élevés de mélanine, un pigment capable d’absorber
les rayonnements et de les transformer en énergie. La production de niveaux
élevés de mélanine pourrait constituer une sorte d’écran solaire ou de «
bouclier » protecteur pour les

astronautes
exposés au rayonnement cosmique.


Les génomes des chiens de Tchernobyl apporteront-ils un niveau de
compréhension similaire ? «

Nous avons vraiment ce dont nous avons besoin pour répondre aux
questions concernant le rôle de l’environnement sur la survie dans cet
environnement

», conclut Tim Mousseau.




Article de CNET.com adapté par CNETFrance


Image : Clean Futures Fund Plus


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