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Le métavers ne sera-t-il qu’une bulle éclatée de plus ?

Le métavers ne sera-t-il qu'une bulle éclatée de plus ?

Qu’il s’agisse de Meta / Facebook avec Horizon Worlds, de The Sandbox, ou des futurs mondes virtuels d’Apple, Microsoft, Sony, Epic Games, Nvidia et HTC, les métavers sont sur toutes les lèvres depuis un an. Même si les univers proposés ne sont pas encore tout à fait au point ou attendent encore leurs utilisateurs, des concerts y sont déjà organisés, des maisons virtuelles peuvent y être achetées, et des marques y tiennent des boutiques virtuelles où l’on peut acheter des objets en NFT.

La question qui se pose presque naturellement est la suivante : s’agit-il d’une tendance durable, ou d’un effet de mode ? Selon une étude réalisée par YouGov en France, 26 % des 25-34 ans pensent que le métavers « représente l’avenir ». Mais au niveau global ce sont 30 % des internautes qui pensent que le métavers est un effet de mode, contre seulement 14 % qui considèrent que c’est l’avenir.

De son côté, Mark Zuckerberg (celui qui a relancé la « hype » autour de ces mondes partagés et persistants, qui existaient déjà avec Second Life et Minecraft, en les « modernisant » avec la réalité virtuelle et les NFT) reste persuadé que le métavers révolutionnera le Web, tout en lui permettant de gagner à terme des milliards, voire des centaines de milliards de dollars. Mais tout le monde ne partage pas la foi inébranlable du patron de Meta (le nouveau nom, symbolique, de Facebook).

Lors de son « Channel Forum » organisé à Barcelone en octobre 2022, le cabinet d’analyse du marché technologique mondial Canalys n’a pas été tendre avec le métavers. Pour son analyste en chef, Matthew Ball, ce concept n’existe que pour répondre à des « objectifs B2B », et c’est précisément pour cela qu’il serait voué à l’échec, dans un avenir pas si lointain. Selon lui, la plupart des projets commerciaux liés au métavers auront disparu en 2025, en dépit d’investissements colossaux. Sceptique, il préfère parler d’un « gouffre financier », plutôt que de la « nouvelle frontière du numérique ».

gucci 

Des sommes folles et une bulle à la clé ?

L’avis de Matthew Ball va plutôt à contre-courant des prévisions et des observations réalisées jusqu’ici par d’autres experts. McKinsey estime ainsi que 177 milliards de dollars US ont déjà été investis dans le marché du métavers, et que ce chiffre pourrait atteindre 5 000 milliards de dollars d’ici 2030. Les consultants de Citi sont encore plus optimistes, et prévoient que « l’économie des métavers » vaudra plutôt en 2030 entre 8 000 et 13 000 milliards de dollars. De son côté, Reports and Data prédit que les transactions mondiales pour le métaverse devraient dépasser 872 milliards de dollars en 2028. Enfin, Gartner estime qu’un quart de la population mondiale passera au moins une heure par jour à faire du shopping, à travailler, à socialiser ou à apprendre dans des mondes virtuels d’ici 2026, et que 30 % des entreprises y proposeront des produits ou des services.

Si l’on en croit Matthew Ball, il s’agirait au contraire d’une sorte de nouvelle « bulle », qui devrait finir par exploser d’ici quelques années. D’abord, selon lui, le climat économique mondial actuel pèse fortement sur le métaverse. Avec la hausse de l’inflation et les pertes d’emplois, de nombreuses personnes ont ainsi du mal à joindre les deux bouts en ce qui concerne les dépenses de la vie quotidienne ; comme le loyer, la nourriture et les services publics. « Il est donc peu probable que les internautes soient tentés d’investir dans des bien immobiliers, des objets virtuels et des NFT », estime l’analyste. S’il admet que « le jeu et les divertissements pour adultes » sont des domaines où le metavers « pourrait réussir » à trouver « un public cible », cela ne risque clairement pas d’être le cas pour le secteur commercial.

Matthew Ball se réfère aux pertes financières colossales de Meta, dont la plateforme Horizon Worlds peine à convaincre les internautes : « Des dizaines de milliards de dollars ont déjà été investis, et les coûts et les retards des propres projets de Meta sont une sorte de baromètre pour ce marché ». Reality Labs, la division consacrée à la conception de matériel de VR à destination du métavers de Meta, a perdu environ 16 milliards de dollars depuis le début de l’année dernière et procède à des réductions de personnel.

the sandbox concert 

Métavers cherche utilisateurs

Horizon Worlds compte actuellement moins de 200 000 utilisateurs actifs mensuels, contre 500 000 de visés initialement. En outre, selon des statistiques internes, seuls 9 % des mondes construits par des créateurs sur la plateforme attirent au moins 50 visiteurs. La plupart ne sont jamais visités. « Un monde vide est un monde triste », résume un document de Meta qui détaille les efforts de l’entreprise visant à drainer les utilisateurs vers ces mondes virtuels. Par ailleurs, la plupart des visiteurs d’Horizon Worlds ne reviendraient pas sur l’application après le premier mois, et plus de la moitié des casques Meta Quest, qui permettent de profiter du métavers, ne sont plus utilisés 6 mois après leur achat. Enfin, un autre rapport interne indique que Horizon Worlds est « trop boguée », et que même les employés de la société « l’utilisent à peine ».

Résultat : alors que Meta a dépensé entre 10 et 20 milliards de dollars dans le métavers en 2021, Mark Zuckerberg a récemment déclaré à ses actionnaires que « le développement du métavers devrait entraîner de grosses pertes d’argent pendant 3 à 5 ans », tout en précisant que « certains produits » destinés à créer un « Internet immersif » ne devraient pas être prêts et « viables » avant 2030-2035. Mais pour autant, le fondateur de Facebook est persuadé de faire un pari sur l’avenir, en investissant dans un concept porteur à long terme, pour les plateformes (de Meta et de ses futurs concurrents) comme pour les entreprises.

Reste le fait que le métavers existe en réalité depuis plusieurs décennies et que rien ne dit que la réalité virtuelle le rendra plus attractif. Début 2022, Phil Libin, cofondateur et ancien PDG d’Evernote, s’opposait vertement au « battage médiatique » entourant ce concept, ou en tout cas la vision qu’en ont Mark Zuckerberg et Meta. « Cette idée d’un monde 3D interconnecté dont nous ferions l’expérience pendant plusieurs heures par jour, à la fois pour le plaisir et pour le travail, principalement par le biais de la réalité virtuelle, est épouvantable. Sans parler du fait que c’est une idée déjà ancienne. C’est peu créatif, ça a été essayé de très nombreuses fois au cours des quatre dernières décennies, et ça n’a jamais marché », expliquait-il dans Business Insider.

Si les partisans des mondes virtuels avancent qu’il faudra attendre un petit moment pour voir tout leur potentiel, ce n’est pas vraiment l’avis de Phil Libin : « A leurs débuts, les technologies vraiment révolutionnaires (comme les consoles de jeux vidéos, ou le e-commerce) sont primitives, basiques, mais elles deviennent très rapidement excellentes, matures et sophistiquées. » Ce qui selon lui, ne serait pas le cas du métavers.

Tout le défi de Meta, de The Sandbox et de leurs futurs concurrents sera de convaincre, aussi vite que possible, un nombre d’internautes suffisants pour que ce concept soit réellement rentable. Alors que les ventes de casques de VR peinent à décoller (en particulier ceux de Meta, dont les prix varient entre 400 et 1 800 euros), les concepteurs de mondes virtuels espèrent encore atteindre une masse critique de personnes comprenant le fonctionnement du métavers ; sans quoi voir y débarquer le grand public risque de demeurer un doux rêve. Avec, à la clé, la désertion des entreprises et l’éclatement d’une nouvelle bulle ; celle du métavers.

A noter que selon une enquête de NordVPN réalisée en janvier 2022 auprès d’utilisateurs potentiels, 55 % des Américains ne savent pas ce qu’est le métavers, et que seuls 14 % d’entre eux en savent suffisamment pour expliquer à quelqu’un d’autre de quoi il s’agit.

meta horizon worlds 


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