Mobilité

Enfants addicts aux écrans, quelle attitude adopter ?

Quels signes indiquent qu’un enfant est accro aux écrans ?

Plusieurs signaux permettent de repérer si un enfant est accro aux écrans. L’usage excessif de son smartphone, de sa console ou de son ordinateur, mais aussi la façon dont il va se sentir, et se comporter, quand il n’y a pas accès. Chez un enfant, cela peut se manifester par des crises de colère ou des mensonges sur sa consommation réelle. Est-ce qu’il s’agit de sa seule activité ? Préfère-t-il passer du temps devant les écrans plutôt qu’avec ses amis ? Refuse-t-il d’aller se coucher ? Tant de signes qui permettent de repérer s’il est ou non “addict”.

 

Que risquent des enfants surexposés aux écrans ?

Comme l’expliquent les psychiatres, les enfants ne font qu’imiter leurs parents, et ils sont maintenant confrontés aux écrans dès la naissance. Les smartphones et les tablettes ressemblent à une nounou virtuelle idéale : on la passe à l’enfant ou on lui laisse y accéder quand il a envie. Pratique en voiture, lorsqu’il pleut, qu’on a pas le temps…et très vite tout le temps, le calme obtenu étant parfois addictif aussi pour des parents fatigués. L’addiction peut être rapide à cause de la récompense immédiate et systématique qui a lieu dès que l’écran est entre leurs mains, et le problème peut s’aggraver avec l’âge. Troubles de l’attention, problèmes de développement émotionnel, affectif et culturel, difficultés psychiques, sociales, et relationnelles…voilà ce que risque potentiellement un enfant surexposé aux écrans. Dans le même temps, ces écrans offrent des possibilités d’ouverture au monde, d’apprentissage et de découverte fabuleuses auxquelles aucune génération n’a eu accès auparavant. Dans certains cas, via des applications spécifiques, les smartphones et autres tablettes peuvent également stimuler la motricité fine de nos bambins. Comme souvent, ce n’est pas la tablette ou le smartphone qui est une bonne ou une mauvaise chose en soi, mais plutôt l’usage que l’on en fait. Et quand cet usage est excessif, ces outils peuvent hypnotiser ces jeunes utilisateurs.

« Devant un écran, on ne voit pas le temps passer, ou bien alors, on zappe et on change d’écran. L’explosion d’images, de sons et d’informations qui s’y succèdent très vite crée un plaisir permanent et immédiat« , observe Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste spécialiste des écrans. 

Enfant smartphone 1200

Faut-il fixer des limites selon l’âge de l’enfant ?

Les recommandations des psychologues sont simples et pleines de bon sens. L’académie américaine de pédiatrie recommande de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans, et de limiter à 1 à 2 heures par jour maximum l’exposition pour les enfants d’âge scolaire (tous écrans confondus). Elle recommande aussi fortement d’interdire toute présence d’écrans dans les chambres, et incite les parents à partager un maximum d’activités avec leurs enfants. Pas la peine de diaboliser les tablettes et autres écrans mobiles. Il faut simplement se poser les bonnes questions, se renseigner pour tirer le meilleur parti de ces formidables outils.

En bas âge, il est préférable de varier les sources de stimulations afin de permettre aux enfants de développer leurs habiletés sensorielles et motrices, par exemple marcher, sauter, jouer, ramper, courir, grimper, chanter, manipuler des objets, parler avec les autres membres de la famille, etc. C’est pourquoi le psychologue Serge Tisseron considère que le temps d’écran doit être encadré dès les premiers moments où l’enfant est en contact avec cette technologie. Puis qu’il doit continuer de l’être jusqu’à ses 15 ans. « Aujourd’hui, ce sont les outils numériques confiés aux plus jeunes qui inquiètent le plus, et l’abus par les adolescents des réseaux sociaux et des jeux vidéo. Mais ne nous contentons pas d’interdire les écrans en croisant les doigts pour que nos enfants sachent plus tard en faire un bon usage. Le problème, aujourd’hui comme hier, reste le même. Il nous faut concilier la nécessité de protéger nos enfants les plus jeunes des écrans, et celle de leur apprendre progressivement à s’en servir, pour mieux savoir s’en passer », explique-t-il.

 

3-6-9-12 

L’idée : cadrer et accompagner les écrans à tout âge pour apprendre à s’en servir, et à s’en passer. Serge Tisseron a développé des règles, des « balises », qu’il a baptisé « 3-6-9-12 », parce qu’elles sont différentes et progressives, à 3 ans, 6 ans, 9 ans et 12 ans. Lors de quatre étapes essentielles de la vie des enfants : l’admission en maternelle, l’entrée au CP, la maîtrise de la lecture et de l’écriture, et le passage en collège. 

-> Avant 3 ans, l’idée est de « jouer, parler » et d’éteindre la télé. « Plus il passe de temps devant les écrans et moins il en a pour les jeux créatifs, les activités interactives et d’autres expériences cognitives sociales fondamentales. Des compétences telles que le partage, l’appréciation et le respect des autres, qui sont des acquisitions enracinées dans la petite enfance, s’en trouvent menacées. A cet âge, l’enfant construit sa personnalité et son cerveau. Il doit acquérir à cet âge les quatre bases de sa socialisation future : le langage, les compétences motrices, les capacités d’attention et de concentration, et la reconnaissance des mimiques », résume le psychiatre. C’est pourquoi avant 3 ans, il recommande de ne jamais laisser un enfant devant un écran, ou dans une pièce où un écran est allumé. Bien que « cela n’empêche pas de jouer de temps en temps avec lui en utilisant une appli amusante, mais c’est sur une période évidemment courte, et toujours en usage accompagné. »

->  De 3 à 6 ans, Serge Tisseron conseille de limiter les écrans, de les partager, et « d’en parler en famille ». A cet âge, l’enfant renforce ses acquisitions et commence son apprentissage de l’autorégulation. « Les limites imposées au temps d’écran doivent en faire partie : de 1/2H à 3 ans à 1H maximum par jour à 6 ans. L’écran est un temps de partage avec un parent. Jamais d’écran dans la chambre, les écrans doivent être dans une pièce commune. Evitons aussi de les utiliser le soir (les LED perturbent les rythmes de sommeil), à table ou pour calmer l’enfant », explique-t-il. Le psychanalyste recommande aussi de ne pas offrir avant 6 ans d’outil numérique personnel à l’enfant, « car cela rend quasiment impossible sa régulation. Les outils numériques doivent être familiaux. » Il est également important, selon lui, de fixer une tranche horaire quotidienne à l’enfant afin de l’habituer à associer les écrans à une durée. Mais surtout, il faut partager les temps d’écran, quand ils existent, avec son enfant, et « parler avec lui de ce qu’il voit et fait ».

> De 6 à 9 ans, le psychiatre recommande de limiter le temps d’écran à 2 heures par jour. Sachant que « le contenu est aussi important que le temps passé en ligne ». Une supervision est ainsi nécessaire pour l’ajuster selon l’âge. « Les parents doivent également s’assurer que les écrans n’interfèrent pas dans les différentes sphères de la vie de l’enfant : les études, le sommeil, les activités physiques, et les repas en famille », indique Serge Tisseron. C’est la période où il peut être intéressant, en l’accompagnant, d’apprendre à son enfant à utiliser un appareil photo numérique, des logiciels de montage pour « créer avec les écrans », et de discuter des risques de l’addiction aux écrans.

-> De 9 à 12 ans, l’heure est à l’apprentissage d’un usage raisonné. « Apprenons-leur à se protéger. Les enfants qui passent beaucoup de temps devant les écrans présentent une baisse des capacités d’attention et de concentration. Leur cerveau s’habitue à suivre ou enchaîner des mouvements ou des actions plutôt que de se mobiliser volontairement sur une tâche. Encourageons-les à gérer leur temps d’écran distractif, en l’invitant à utiliser un ‘carnet du temps d’écran’. Parlons aussi avec lui de ce qu’il voit et fait avec les écrans », conseille Serge Tisseron. L’idée est aussi d’expliquer à sa progéniture les « 3 règles d’Internet » : tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public, tout ce qu’on y met y restera éternellement, et il ne faut pas forcément croire tout ce que l’on y trouve.

« Par précaution, retardons le plus longtemps possible le moment d’acheter un téléphone mobile à notre enfant, préférons un appareil aux fonctions limitées – téléphone à clapet sans Internet ni écran tactile -, et installons une application qui limite le temps qu’il peut passer dessus », conseille encore Serge Tisseron.

-> Après 12 ans, plusieurs conseils : pas de téléphone mobile la nuit dans la chambre (car la réduction du temps de sommeil a des conséquences problématiques sur la mémoire, l’humeur, les capacités d’attention et de concentration, l’alimentation, et les performances scolaires), accompagner son enfant quand il crée des profils sur les réseaux sociaux (notamment en lui apprenant à les paramétrer en mode privé), et inciter son ado à utiliser les appareils numériques « de manière ciblée ». Pour des activités précises « et non par ennui ».

 

Équilibre, cohérence, partage

Les trois quarts des jeunes passent plus de temps sur Internet depuis le début de la pandémie. Chez les 6 à 17 ans, 40 % surfent sur le Web plus de 10 heures par semaine. Si vos enfants préfèrent jouer aux jeux vidéos sur console, ou pire sur smartphone, plutôt que de sortir dehors, ce n’est certes pas pas très sain… mais pas tragique non plus. L’heure est aux nuances et à l’atteinte d’un équilibre.  

Psychanalyste et membre de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH), Michael Stora a un avis plus nuancé que Serge Tisseron sur l’encadrement du temps d’écran chez les enfants. « Il faut faire attention aux idées reçues ; les plus grands consommateurs d’écrans et de mobiles sont les 35-49 ans, selon Wired. Ce sont d’abord les parents qui passent donc le plus de temps sur les écrans, et idéalement, quand il s’agit d’un enfant de 2-3 ans qui est fasciné par ce que tient dans la main Papa ou Maman, il faut d’abord montrer le bon exemple », estime-t-il. Tout comme le fait d’interdire à son enfant de fumer quand on est fumeur, attention à la cohérence !

Aux adultes, d’abord, de réduire leur usage des smartphones, afin de consacrer plus de temps à leurs enfants. À eux, aussi de partager leurs écrans, et d’accompagner : « un objet n’a de valeur chez un enfant que quand il est partagé, car il n’est dès lors plus seulement un objet de convoitise, mais un objet d’attention conjointe ». Quel que soit l’âge de l’enfant, l’idée est donc que le temps passé sur les écrans doit l’être avec les parents, au maximum. À 12 ans, un adolescent serait sans doute fier de montrer à son père et à sa mère sa première vidéo Tik Tok : « l’idée est de partager et d’en parler. »

accro smartphone PINS 

Finalement, « c’est au parent de mettre des limites », concède-t-il. Mais pas selon l’âge de l’enfant, comme le préconise Serge Tisseron. « La signalétique 3-6-9-12 risque de renforcer le sentiment d’épuisement et de culpabilité des parents, d’être parfaits. Ces recommandations ne reposent sur aucune étude empirique. Mais il est évident que si un enfant passe trop de temps sur un écran, c’est qu’il y a un souci au niveau familial : soit les parents ne vont pas bien, soit les enfants ne vont pas bien, soit il y a un manque de communication à la maison. Il y a un problème plus profond à régler que la question de l’écran lui-même », explique Michael Stora. 

« Il est possible de faire des écrans des alliés, sur le plan éducatif en particulier. Quand un enfant y passe du temps, il faut accompagner ce dernier pour que l’appareil lui soit utile. Les collégiens, souvent, partagent leurs écrans entre eux. À la maison, le drame, c’est qu’ils ne sont pas partagés et que chacun reste dans sa bulle. On peut en faire des moyens de partage et de dialogue : à ce moment là, les choses sont alors moins toxiques », indique le psychologue, qui reçoit depuis plusieurs décennies de nombreux adolescents addicts aux jeux vidéo. 

Poser des limites, sans essayer à tout prix de suivre un ensemble de règles comme le 3-6-9-12, c’est finalement, explique Michael Stora, « établir des horaires, un temps maximal d’utilisation, et accompagner l’enfant dans l’apprentissage de moyens lui permettant de s’autoréguler ». Par exemple, en lui donnant une banque d’heures hebdomadaire et en l’aidant à les répartir dans la semaine.

Mais « ce qui compte, c’est la cohérence. Pas d’écran ou de téléphone à table ? Toute la famille doit adhérer à cette directive. Le parent envoie un curieux message s’il n’est pas capable de décrocher« , insiste le membre de l’OMNSH.

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