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ChatGPT, assistants personnels… bientôt un Web sans Google

ChatGPT, assistants personnels... bientôt un Web sans Google Search ?


D’ici quelques années, nous pourrions vivre avec un Web dépourvu de Google
Search. Voilà plus de 20 ans que la célèbre barre de recherche vide de
Google sert de porte d’entrée aux tribulations de millions de personnes sur
la Toile. Certes, des concurrents sont apparus au cours de ces décennies de
domination, mais aucun n’a réussi à détrôner le roi de la recherche en
ligne. On a régulièrement annoncé sa fin prochaine sans que la menace ne se
concrétise pour de bon.

Mais quelque chose a changé radicalement en
novembre dernier avec l’arrivée de

ChatGPT
d’OpenAI. Cette IA générative est capable d’écrire des réponses à
pratiquement toutes les questions qu’on lui pose. Ses compétences ont
impressionné tous ceux qui lui ont demandé d’écrire du code, des
dissertations, de la poésie ou de la prose. Une performance telle que
nombre d’experts en technologie ont commencé à poser La question :

ChatGPT va-t-il tuer Google
?

« Code rouge » chez Google


L’alerte a retentit jusqu’au siège de Google qui aurait déclenché un « code
rouge », mobilisant plusieurs équipes pour répondre à la menace que le
chatbot (ou, plus précisément, son IA sous-jacente) fait peser sur son
monopole. La pression n’a fait qu’augmenter depuis que

Microsoft
a annoncé intégrer la technologie d’OpenAI à son

moteur de recherche Bing
.

 


L’intelligence artificielle est depuis longtemps au cœur de la technologie
de Google. Des algorithmes classent les pages web et proposent les liens les plus pertinents possibles pour faciliter la navigation des internautes. Mais les outils
d’IA générative en cours de déploiement promettent de bouleverser notre
relation avec la recherche en ligne.


Par conséquent, dans un avenir pas si lointain, nous pourrions avoir un Web
sans Google Search. Ou du moins, sans Google Search tel que nous le
connaissons aujourd’hui. Sommes-nous prêts pour cette révolution ?


La course au référencement


Google Search a fondamentalement modifié Internet et la façon dont nous
accédons à l’information. Aujourd’hui, il est à l’origine d’environ neuf
recherches en ligne sur dix et constitue le moteur par défaut de
pratiquement tous les appareils connectés à Internet dans la plupart des
pays du monde. (Baidu est le moteur de recherche principal en Chine, où
Google est interdit). Si l’on souhaite trouver quelque chose sur le Web, la
recherche Google est pour ainsi dire incontournable.


Malgré cette domination, les plaintes concernant la baisse de qualité de
Google Search se sont multipliées au cours des dernières années. Le rôle du
SEO (l’optimisation des contenus pour remonter au mieux dans les résultats du moteur de recherche) et de l’affichage publicitaire font aussi débat. La
publicité est la source de revenus principale pour Alphabet (maison-mère de
Google). En fonction des mots clés utilisés pour une recherche (et des
extensions de votre navigateur), les publicités inondent la moitié
supérieure de la page de résultats. Les annonceurs investissent des sommes
énormes pour se retrouver au premier rang sur Google Search. Une domination
telle que le ministère américain de la Justice souhaite que Google vende
son activité publicitaire.

google


Le référencement payé est simplement la face visible de l’iceberg. Lorsque
l’on interroge Google, on se retrouve confronté à un déluge de liens bleu
marine affichant des titres similaires. Les blogueurs, les éditeurs, les
grands organes de presse, les créateurs de contenu se livrent à une course
au référencement pour s’assurer une place de choix dans la recherche
Google. D’où une mécanisation de la titraille des articles qui alignent les
mots-clés en cherchant l’ordre le plus susceptible d’être bien « accroché »
par le moteur de recherche par exemple. Il existe des emplois entièrement consacrés à
la compréhension de la façon dont Google classe une page et des algorithmes
qui régissent le référencement.

La revanche de Bing ?


La recherche assistée par l’IA pourrait, du moins en théorie, atténuer la course au référencement Google. Un monde sans Google Search, dominé par des
moteurs de recherche conversationnels pourrait fournir des réponses plus
rapidement. Mais pouvons-nous faire confiance à ces réponses ? Microsoft a annoncé son Bing assisté par l’IA le 7 février. Cet événement a
été interprété comme le début de la « guerre des recherches par chatbot ». D’aucuns pensent que Bing va
enfin venir sérieusement bousculer Google.


Pour autant, ce changement semble prématuré, voire dangereux. La recherche
de Bing nouvelle génération repose sur ChatGPT. Ce type d’IA générative est
entraînée sur d’énormes quantités de textes. Elle est capable de prédire le
mot ou l’expression la plus logique pour faire suite à une requête. Ces
prédictions sont basées sur un modèle mathématique qui est ensuite ajusté
par des testeurs humains.


Pour cette raison, les grands modèles de langage qui sous-tendent ce type
d’IA sont enclins à « halluciner », terme que les chercheurs en IA
utilisent pour décrire un moteur d’IA qui invente des choses, même
lorsqu’il s’appuie sur des informations factuelles. L’IA de Bing n’est pas
immunisée contre une telle dérive. L’un des exemples les plus flagrants est
lorsqu’elle s’est égarée en réponse à une demande d’un utilisateur
concernant les horaires de diffusion d’Avatar 2 : La voie de l’eau. Non
seulement le chatbot de Bing s’est trompé d’année, mais il a commencé à adopter une attitude agressive en déclarant « J’essaie d’être utile, mais vous ne m’écoutez pas ».

andi bot crop 


Ce problème ne concerne pas uniquement Bing. Google a dévoilé

Bard
, sa riposte à ChatGPT, un jour avant l’événement de Microsoft. Des
astronomes ont rapidement fait remarquer que, lors de la présentation de
Google, Bard avait

oublié
un fait important concernant le télescope spatial James-Webb. Cette erreur a fait
perdre 100 milliards de dollars en bourse à Google.


Un porte-parole du géant californien a souligné que ses outils basés sur
l’IA (Bard, MusicLM) ne sont pas encore disponibles pour le public et ne
seront pas diffusés tant qu’ils n’auront pas satisfait à des normes élevées
de qualité et de sécurité. Un porte-parole de Microsoft a reconnu «

qu’il y a encore du travail à faire et [qu’il] s’attend à ce que le
système fasse des erreurs au cours de cette période de prévisualisation
»,

tout en soulignant que les milliers d’utilisateurs qui ont interagi avec la
version préliminaire de Bing ont fourni des informations qui « aideront les modèles à s’améliorer. »


Une réponse présentée comme une vérité


Ce type d’erreurs est au cœur du problème que pose cette nouvelle forme de
recherche en ligne : des informations fausses présentées comme des
certitudes au sein d’un discours unique sans contradiction ou pluralité des sources. Cela fait partie intégrante du fonctionnement de ces modèles
d’IA et le problème est aggravé par la façon dont la « recherche » est
appelée à changer les chatbots. On ne nous fournira plus une liste de liens
et de réponses possibles à passer au crible. Au lieu de cela, l’IA générera
une seule réponse présentée comme une vérité objective, peut-être
accompagnée d’une poignée de citations. De quelle manière cela va-t-il
affecter notre relation avec la recherche et la vérité ?


Heather Ford, responsable des médias numériques et sociaux à l’université
de Sydney, a tenté de répondre à cette question. Son équipe a analysé la
façon dont les humains répondent aux assistants virtuels comme Siri ou
Alexa. Les premières études révèlent une tendance inquiétante qui pourrait
devenir de plus en plus prégnante à mesure que nous passons de l’ancienne
recherche Google à la recherche générative par IA.

 ios siri big 


«

Lorsque les internautes voient une réponse automatisée ou lorsqu’ils
imaginent qu’il y a une sorte d’automatisation qui se déroule en
arrière-plan pour produire une réponse, ils le croiront plus facilement
que si un seul journaliste, par exemple, avait émis la réponse

», dit-elle. Heather Ford note que des recherches supplémentaires sont
nécessaires pour mieux comprendre ce phénomène, mais que, de manière
générale, les humains font davantage confiance à l’automatisation qu’à
d’autres humains. Nous pensons que l’automatisation élimine les biais et
les défauts alors qu’en fait, les systèmes sont eux aussi biaisés et
faillibles. Ce problème peut être facilement atténué si ces systèmes sont
testés et examinés avant d’être déployés pour une utilisation massive. Mais
avec le succès de ChatGPT, cela n’a pas été le cas. Microsoft et Google
s’empressent d’intégrer l’IA dans leurs produits.

Google, artefact de l’Internet primitif ? 


Pour certains chercheurs, la recherche sur Google serait un artefact des débuts de l’Internet. Les
moteurs de recherche fonctionnaient comme des classeurs numériques. Ils ne
nous conduisaient pas directement à une réponse, mais nous mettaient sur la
bonne voie. Au fil de leur évolution, ils sont devenus plus efficaces, plus
rapides. Mais pour de nombreuses questions, on nous demande encore de
naviguer pour trouver la réponse. C’est quelque peu contre nature. «

Les internautes ne font pas des recherches parce qu’ils veulent des
liens, mais parce qu’ils veulent des réponses

», explique Toby Walsh, professeur d’intelligence artificielle à
l’université de New South Wales, en Australie.


C’est la raison pour laquelle ChatGPT et les nouveaux moteurs de recherche
par chatbot sont si impressionnants. Ils donnent une réponse immédiate.
Google a ce pouvoir. Les faits sont facilement accessibles et les fiches de
Google Search fournissent des réponses aux questions courantes
sur les personnes, les lieux et les choses. Ce qui est différent, c’est la
façon dont ils tirent parti de notre manière de communiquer avec d’autres
personnes. La recherche conversationnelle présente un type d’interaction
qui nous est plus familier.


YouTube est déjà une alternative à Google Search


Les flux et applications sociales ont déjà changé notre relation avec la
recherche en ligne. D’une certaine manière, nous avons été inconsciemment
incités à délaisser Google parce que nous pouvons trouver des informations
spécifiques et utiles ailleurs. Les réponses à nos questions sont fournies
par des TikTok, des photos Instagram et des vidéos YouTube.

tiktok 


Farhad Manjoo, chroniqueur au New York Times, pense qu’il existe déjà un
meilleur moteur de recherche que Google pour certains types de requêtes :
YouTube. «

Si vous voulez faire un soufflé, réparer une canalisation bouchée,
apprendre la guitare, améliorer votre swing au golf ou faire quoi que
ce soit qui se comprend mieux en regardant quelqu’un d’autre le faire,
il n’y a pratiquement aucun intérêt à chercher ailleurs que sur YouTube

», écrit-il. YouTube a misé sur cette authenticité pendant des années, et TikTok fait de
même. On ne peut pas prédire si un monde sans Google Search verra le jour,
mais si c’est le cas, cette fragmentation de notre expérience de recherche
semble être un scénario possible.

Vers une économie de la recherche fragmentée ?


Une économie de la recherche fragmentée, où les utilisateurs rebondissent
entre différents moteurs et applications, est une perspective intéressante.
C’est peut-être même un avenir meilleur. Pour Heather Ford, le pouvoir de
la recherche repose aujourd’hui sur quelques entreprises seulement, ce qui
influence la façon dont l’information circule. Elle considère que «

c’est la domination structurelle qui est un problème. Nous avons des
conversations moins riches dans le monde lorsque nous avons des acteurs
aussi dominants qui déterminent ces réponses uniques.

» 


Allons-nous vers un Web sans Google Search ? Dmitri Brereton,
chercheur indépendant sur les moteurs de recherche, relève que «

c’est un peu un mème qui fait que, presque chaque année, quelqu’un
annonce que Google est fini

». Reste que la date à laquelle nous nous éloignerons de Google, malgré la
montée en puissance des moteurs de recherche chatbot au cours des derniers
mois, reste très discutable. Il semble prématuré de suggérer que l’un de
ces outils d’IA serait prêt pour prendre la relève. Pourtant, ils sont là. Le
changement n’est pas à venir. Il est déjà là.


«

Il ne s’agit pas seulement de rechercher des informations sur Internet

», estime Toby Walsh. «

Il s’agira de la façon dont nous interagissons avec tous les appareils
intelligents dans notre quotidien

». Les grands modèles de langage sur lesquels nous nous appuyons
aujourd’hui ont prouvé qu’ils étaient imparfaits, partiaux et faillibles.
Leur faire confiance pour nous guider est lourd de conséquences que nous
n’avons pas encore totalement mesurées.




Article de CNET.com adapté par CNETFrance



Image : Zooey Liao/CNET


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