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L’hibernation artificielle, bientôt une réalité ?

L'hibernation artificielle, bientôt une réalité ?

Quand vous entendez le mot « hibernation artificielle« , vous avez sûrement en tête des images de capsules en verre, dans lesquelles des voyageurs de l’espace dorment profondément, tandis que leur vaisseau spatial se dirige tranquillement vers Jupiter, en mode pilote automatique. Ce rêve porté à l’écran dans Alien, Interstellar ou encore Passengers, pourrait bien ne plus être un simple fantasme. C’est en tout cas ce que laissent entendre les dernières découvertes d’une équipe de chercheurs chinois. Dans une étude publiée en décembre 2022 dans la revue The Innovation, les scientifiques de l’Institut de technologie avancée de Shenzhen (SIAT) affirment ainsi avoir réussi à déclencher chez des singes une « hypothermie artificielle », prérequis essentiel de l’hibernation.

L’hypothermie, ou le refroidissement de la température du corps, peut être fatale aux êtres humains, mais permet à d’autres espèces animales de ralentir leur métabolisme, afin de demeurer plusieurs semaines ou mois dans un sommeil prolongé. Cet état d’hibernation permet par exemple aux ours, aux marmottes ou aux blaireaux de dormir pendant tout l’hiver, tout en conservant leur énergie. Chez les primates, qu’il s’agisse des singes ou des êtres humains, il est impossible d’hiberner, en tout cas naturellement : notre corps n’y parvient pas, car il a besoin de se nourrir et de rester actif. L’hypothermie est en outre « régulée » chez les animaux qui hibernent, mais pas chez nous ; si bien que dans cet état de « torpeur », notre organisme ne résiste pas bien longtemps.

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Un « bond en avant » vers la « torpeur » humaine ?

Le fait d’avoir réussi à recréer ces conditions d’hibernation en laboratoire constitue donc une véritable première, qui fait dire aux chercheurs du SIAT qu’ils ont franchi « une étape importante sur le long chemin vers l’hibernation artificielle ». Comment sont-ils parvenus à réaliser une telle prouesse ? Concrètement, les scientifiques chinois ont réussi à provoquer une « hypothermie régulée » chez des singes en activant un groupe de neurotransmetteurs situés dans l’hypothalamus. Pour activer ces cellules cérébrales, ils ont utilisé un cocktail de produits chimiques, le Clozapine N-oxyde, qu’ils ont injecté à l’aide d’un virus.

Selon les chercheurs, il s’agit d’un « bond en avant » vers la « torpeur humaine ». Dans leur article scientifique, ils expliquent que pour maintenir leur température corporelle à un niveau suffisant pour survivre en hibernation, les rongeurs activent la « zone préoptique » (POA) de l’hypothalamus, chargée de détecter et de réguler la température corporelle centrale. « Les connaissances sur le centre de régulation thermique chez les primates restent limitées. Mais nous montrons ici que l’activation d’une sous-population de neurones de la zone préoptique par une stratégie chimiogénétique induit de manière fiable une hypothermie chez des macaques anesthésiés et libres de leurs mouvements », écrivent-ils. Un « suivi complet » des paramètres physiologiques des singes révèle en outre que cette hypothermie artificielle « s’accompagne de changements autonomes et de comportements de défense contre le froid, notamment une augmentation de la fréquence cardiaque, de l’activité des muscles squelettiques et de biomarqueurs corrélés dans le sang ». « Dans l’ensemble, nos résultats démontrent la régulation centrale de la température corporelle chez les primates et ouvrent la voie à une application future en pratique clinique« , indiquent-ils encore dans le site spécialisé ScienceBlog.

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Vers de (très) longs voyages interstellaires ?

Pour les scientifiques, cette technique pourrait « potentiellement être utilisée dans le développement de l’hibernation artificielle pour les vols spatiaux habités ». Et ainsi nous permettre de dormir profondément pendant de longs voyages, facilitant in fine notre conquête de l’espace. Car qui dit hibernation, dit eau et nourriture en moins à stocker, pendant le long périple qui nous emmènera vers Mars (6 à 9 mois de route) ou Jupiter (6 ans). En plus de ne pas s’ennuyer pendant des mois et des mois, entre les 4 murs d’une navette spatiale. Cet état de torpeur permettrait également de limiter les effets négatifs de l’apesanteur sur le corps humain, et de réduire l’espace nécessaire pour les loisirs dans les engins spatiaux.

Pendant ce temps, l’ESA prépare des modules d’hibernation pour ses astronautes, « contrôlés par une IA et inspirés de l’ours », nous apprend Futura Sciences. « Les scientifiques de l’ESA imaginent déjà concevoir des sortes de nacelles à coque souple dans lesquelles les astronautes pourraient prendre place pour vivre en douceur cette phase d’hibernation qui les emmènerait jusqu’à Mars. Dans un environnement apaisant, avec des lumières tamisées, une température basse — moins de 10 °C — et une humidité élevée », indique le site spécialisé. Une intelligence artificielle se chargerait de son côté de « gérer des opérations de routine, mais aussi les anomalies et les urgences ». Exactement comme dans des films comme Passengers ou Interstellar, en somme.

Peut-être que dans un avenir proche, nous pourrons donc plonger dans l’hypersommeil pendant les longs trajets spatiaux et nous réveiller en pleine forme à destination. Mais nous sommes encore très loin de ce type de scénario. En attendant, les chercheurs perçoivent dans cette découverte une application beaucoup plus terre à terre, qui concerne la médecine. En effet, ces périodes de sommeil suspendu pourraient offrir aux médecins et aux soignants davantage de temps pour traiter les traumatismes de leurs patients, ainsi que les maladies graves. Par exemple, en plongeant dans un état de « torpeur » un soldat blessé, il serait possible de gagner du temps en plus pour stopper une hémorragie. D’autres scientifiques entrevoient aussi la possibilité de prolonger la vie des organes prélevés sur un donneur.

ESA hibernation 

Et la cryogénisation, dans tout ça ?

A très très long terme, l’hibernation pourrait peut-être résoudre le problème auquel sont confrontés d’autres chercheurs chinois, qui se retrouvent face aux fantasmes de de riches transhumanistes, dont le rêve est de congeler leurs corps dans l’espoir d’être ressuscités un jour. Les rares défunts dont les corps ont déjà été « cryogénisés » ne sont, pour l’heure, jamais revenus à la vie. Et cela ne semble pas prêt de changer. Pour voyager dans le temps, vers le futur, et être certain de se réveiller, peut-être la solution sera-t-elle d’hiberner. Il s’agit cette fois d’un pur scénario de science-fiction. Mais les chercheurs le prouvent régulièrement : de nos jours, la fiction ne reste jamais très longtemps de la fiction.

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